Tendances, défis et enjeux de la publicité online (les études de l'e-Pub SRI, 1ère édition)
En guise de préambule, il convient d'apporter un éclairage sur les différentes définitions accolées à l'e-Pub, secteur qui si l'on en croit les témoignages, est en train de connaître une véritable révolution. Il existe un véritable paradoxe dans le sens même de la juxtaposition des mots "publicité" et "online" : "publicité" renvoie à la notion de public, au sens premier du terme. "Online" invoque l'Internet avec un grand "I", consacrant dans le même temps une chaîne complète de publics différents. Et selon Mickaël Stora, psychologue, psychanalyste, co-fondateur de l'Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH), cela justifie que l'on définisse davantage le web comme étant un "espace média" plutôt que comme un média à part entière.
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Certains définissent l'e-pub de façon plus pragmatique, en distinguant d'un côté le search, et de l'autre le display (forcément, c'est la réponse que donne un Google-insider, en la personne de Grégoire Peiron, Head of Media Buying Solutions France Google Media Platforms). Pour Georges-Mohammed Cherif, de chez Buzzman, l'interactivité est la plus intéressante des plus-values qu'apporte le web pour la publicité, en arguant du fait que l'impact d'une pub TV ou d'une pub sur le web sur 100 personnes ne sera évidemment pas le même (à cela j'ajoute qu'avant de comparer l'impact, il convient surtout de dissocier les objectifs et les cibles de ces deux canaux...). À l'opposé, certains n'hésitent pas à comparer l'e-pub aujourd'hui à ce qu'était la "réclame" à l'époque. En même temps, et comme le précise Mickaël Stora, il est vrai que mis à part quelques exceptions (souvent primées d'ailleurs) comme les opés Tipp Ex ou des cobrandings avec les diffuseurs (Youtube, Dailymotion, etc.), la grande majorité des pubs sur le web consacre de vulgaires duplicatas de leurs pendants venus du offline.
Il suffit de s'attarder sur trois chiffres pour comprendre que l'e-pub a encore de belles perspectives d'évolution : 83% des français estiment que la publicité sur Internet dérange la navigation et la trouve plus intrusive que la publicité classique à 69% et même moins créative à 62% (étude IFOP & BNP Paribas - juin 2011).
Pourtant le web peut apporter une réelle efficacité publicitaire, même si celle-ci est sans doute sous-évaluée. L'étude pointe à juste titre que "si la publicité peut être intrusive, elle peut aussi être aussi discrète voire subliminale", notamment si on prend en compte la vision périphérique de l'internaute : jusqu’à maintenant, "les mesures d’efficacité sont faites sur la base de traitements conscients, notamment à partir des taux de clics et des souvenirs conscients". Pourtant, "il existe des mesures de la mémoire implicite, qui s’appuient sur des techniques d’enregistrement du temps de réponse : il s’agit d’enregistrer la vitesse à laquelle l’internaute répond au 1000ème de seconde près." Selon les dires de Perspectives Lab, un pop-up non cliqué peut laisser des traces résiduelles chez l'internautes jusqu'à trois mois après son affichage à l'écran !
Là, la créativité semble avoir son rôle à jouer. Et selon Georges Mohammed Cherif, président et directeur de création de l’Agence Buzzman, "Internet remet la valeur créative au centre des stratégies et des attentions". Et Arnaud Auger, du Marketing Digital de chez Unilever (jusqu'à récemment) de surenchérir : "le web peut être considéré aujourd'hui comme un laboratoire !". La campagne de Buzzman pour Tipp-Ex en est là encore un bon exemple.
Autre point intéressant de l'étude : la remise en cause de l'hyper-ciblage publicitaire. Est-ce que celui-ci n'enferme pas un peu trop l'internaute dans un pré carré qui lui ressemble ? Dans cette perspective, l'un des défis de demain pourrait dès lors consister à faire bouger les lignes, de façon à ce que l'accès à l'information et au divertissement reste le plus large possible pour chacun.
Mais place maintenant aux 8 tendances fortes identifiées dans cette étude ainsi que les défis à relever pour ses différents acteurs...
1) La contre culture : de l'humour au trash
Jouer, manipuler et détourner les images pour se les approprier et se mettre en scène.Internet reste un espace de contre-culture : c’est une culture du fake et du bal masqué. On y pratique le second degré dans une société qui célèbre l’idéal de soi.
Mais Internet reste un espace de rébellion où on peut être touché, perturbé et surpris par ce qui n’est pas politically correct : l’art du décalage, de l’ironie, du déplaisir, de l’injonction paradoxale.
La meilleure défense quand on est attaqué par les images, c’est la culture de l’auto-ironie (l’ironie de soi) : se moquer de soi pour échapper à la tyrannie de l’idéal de soi. "Comment le pire peut paradoxalement devenir le meilleur ?"
Exemple : "Unpolitically correct" par jechange.fr
2) La soif de reconnaissance : ego trip
Être valorisé jusqu'à devenir un super héros, pour retrouver une image positive de soi...Aujourd’hui, l’image de soi n’est pas bonne et ce pas uniquement chez les adolescents, aussi l’existence de soi se fait de plus en plus sur les écrans. L’internaute cherche à être valorisé et estimé (la course aux followers sur twitters, aux friends et aux like renforce le potentiel de désirabilité de chaque internaute et construit son pouvoir charismatique).
Impliquer l’internaute, en tant qu’acteur ou joueur facilite l’appropriation de l’objet "plébiscité" (le tactile atténue la distance et facilite l’appropriation).
Exemples : "Museum of me" (Intel) / "J'aime mon carré" (Hermès) / "Hypnôse" (Lancôme)
3) La créativité au service du beautiful world
Interagir et construire son mythe personnel "Je voudrai bien être un artiste !" : la créativité permet de façonner son propre univers, de démontrer ses talents créatifs et de construire sa propre histoire. L’internaute devient un créatif publicitaire : depuis le choix de la police de caractère à l’augmentation ou co-création de supports créatifs (vidéo, image… cf. le succès d’Eyeka et des communautés créatives, phénomène de partage de vidéos pour les plus jeunes).
Exemple : "Fingerboard Hermès" – Collection Hiver 2010
4) La toute puissance
Maîtriser l'espace-temps, pour accéder à ses désirs immédiatsInternet réactive le fantasme de toute puissance : du bout du doigt, nous gouvernons le monde. Aujourd’hui on est en passe de devenir citoyen de la toile avant d’être citoyen du monde local/territorial : on aura bientôt une adresse IP avant d’avoir une adresse postale !
C’est le rêve d’acheter un produit, d’accéder à un service tout de suite au moment désiré avec la plus grande simplicité, immédiateté et autonomie : de la publicité à l’achat immédiat. "The good mindset : the right person at the right moment for the right ad".
La publicité a un rôle majeur de renforcement de l’empowerment total de l’individu: c’est l’ouverture des possibles (en contrepoint de la réalité).
Exemple : "Magnum Pleasure Hunt"
5) Le jeu le divertissement, l'évasion
Intensifier sa vie, jouer, s'amuser, s'évader... Le ludique revient au coeur de nos sociétés, avec une proposition d’évolution au sein d’un cadre avec des règles identifiées, une progression dynamique, des récompenses, voire un système monétaire (plus juste et transparent que le monde actuel). Le jeu permet d’accéder à un nouvel état d’esprit (voire un nouvel état de conscience), qui est un agréable échappatoire (63 % d’internautes français jouent à des jeux vidéo en ligne). Par l’expérience interactive et la mise en scène de l’erreur, l’internaute va s’approprier un message, une vérité, un objet...
Exemples : Cadbury (jeu en RA) et "The Desparados Experience"
6) Le "best cost"
Privilèges inédits et bonus (identifier les bons plans, y accéder et en profiter)Finie l’ère de la réclame à tout prix : l’internet n’est pas le lieu du hard discount. Les internautes recherchent le juste prix et l’optimisation/réglage de leur budget pour dépenser moins et gagner plus.
Internet est un espace opportun pour réinventer l’acte d’achat avec de nouvelles modalités : achat groupé (uniqlo lucky counter), budget anticipé (compte épargne vacances bnpparibas.net), achat privilégié.
Exemple : Uniqlo
7) De la connivence a la célébration
Woodstock online ! Expérimenter, partager et faire la fête !Internet est un lieu de rassemblement fort, qui permet de recréer de la fusion collective : c’est l’expérience du ré enracinement dans une société où la solitude et l’isolement concernent beaucoup de gens. Le geste de liker est un geste fort, qui crée du lien et du soutien. Les espaces sociaux offrent la constitution d’une esthétique sociale avec des imaginaires communs, ritualisés autour de signaux et d’emblèmes forts, dans lesquels les marques et les institutions jouent un rôle fondamental d’agrégateur et de liant.
Exemple : Flashmob digitale Yahoo/Sony Ericsson
8) L'ère de l'information choisie et ciblée
La fin de la publicité intrusive ! Les internautes ont de plus en plus la maîtrise des différents espaces cadres qui apparaissent dans leur environnement. Le consommateur lui-même va choisir la valeur qu’il va donner à la publicité ou la nature des messages qu’il veut recevoir, comme dans la presse spécialisée où la valeur du support vient de la publicité. Jusqu’à la création d’une publicité payée par le consommateur pour un contenu et des services à très forte valeur ajoutée.
Exemple : City Guides by Louis Vuitton
Quels sont les 5 défis et enjeux pour demain :
Particulière et très influente, la culture du web pousse la publicité traditionnelle à faire sa révolution sur ce media et propose de nouveaux défis aux professionnels de la publicité :
- Créer, développer et animer une culture de l’e-pub qui s’inspire des codes du web et rende l’e-pub désirable.
- Donner l’opportunité aux marques de rencontrer ses consommateurs et d’inventer et expérimenter de nouveaux protocoles relationnels avec eux.
- Imaginer des expériences de marque uniques avec les consommateurs pris au sein d’un groupe. Si la marque « Complice » entretient une relation avec un consommateur déjà identifié, la marque « Totem » est un lien et un agrégateur de relations sociales, idéalement festives.
- Concevoir des stratégies online au coeur d’une stratégie globale : l’Internet n’est pas un monde à part, les relais et maillages entre le online et le offline sont de plus en plus opérants.
- « Penser global, ajuster local » : en intégrant les spécificités locales et culturelles, les stratégies publicitaires de demain n’en seront que plus efficaces.
Au final, voilà une étude qui aura su selon moi mettre l'accent sur de vraies tendances de fond et poser les bonnes questions. Le potentiel de la pub online est aujourd'hui à peine utilisé, mais au-delà de la simple question de la dichotomie entre search et display et l'évident besoin de créativité, le véritable défi de demain sera de trouer le juste équilibre entre la non intrusion, l'interaction et la valorisation de l'égo de l'internaute au sein de son ou de ses groupes. Mais plus encore, nous devons réfléchir aux méfaits d'un hyper-ciblage systématique, qui plutôt que d'apporter le R.O.I. parfait pourrait bel et bien enfermer l'internaute dans un univers qui lui ressemble trop. Tout l'inverse des valeurs d'ouverture, de libre accès et d'universalité inhérentes à Internet depuis ses débuts... Quoiqu'il en soit, il semble que le SRI soit dans une dynamique active, et nous promet de nouveaux rendez-vous d'études très prochainement.
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