"A l'abri de rien", un webdocu de la Fondation Abbé Pierre pour interpeller l'opinion

J'ai été convié hier matin à la projection en avant-première du webdocumentaire « À l’abri de rien » sur le mal-logement en France, conçu par Textuel La Mine (BDDP Unlimited) pour la Fondation Abbé Pierre. L’objectif ? Dresser un état des lieux du mal-logement en France, à l’heure où 3,6 millions de personnes sont mal-logées voire pas logées du tout, alors que 10 millions sont touchées par la crise du logement. Le webdocu est en ligne depuis ce matin sur www.a-l-abri-de-rien.com, et met en avant la réalité du quotidien de 15 foyers, illustrant l’étendue des souffrances rencontrées dans le logement (habitat indigne, saturnisme, marchands de sommeil, etc...). Ces portraits parlent d’eux-mêmes...

L'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de me rendre à l'avant-première est parce que le non-profit est un secteur que je trouve particulièrement prolifique (en ce moment) en idées créatives destinées à interpeller le public. Jusque récemment, je ne jurais que par le secteur automobile pour proposer des actions de communication (pub ou autres) dignes d'intérêt. Ceci s'expliquant avant tout par les moyens dont disposent les constructeurs, et la nécessité de se démarquer dans un contexte très concurrentiel.

Mais voilà que des associations et ONG en tous genres rivalisent d'ingéniosité depuis plusieurs mois, démontrant que de nouvelles contraintes peuvent être des moteurs de créativité. Parmi celles-ci je retiens notamment les moyens souvent limités des organisations non-profit, et le défi d'arriver à capter l'attention d'un public qui a appris à se mettre des œillères (ce qui est encore plus vrai en temps de crise, où l'on assiste à un repli sur soi des gens, qui recherchent avant tout à sauvegarder leurs propres intérêts...). Parmi les exemples récents à créditer d'un succès dans l'opinion, citons les campagnes AIDES, WWF, Amnesty International, ou dans d'autres registres Equal Pay Day dont je vous parlais avant hier et bien d'autres encore.

Bref. Revenons à notre sujet. La Fondation Abbé Pierre a donc décidé avec l'appui de BDDP Unlimited de produire un webdocu pour sensibiliser le public au problème récurrent (et croissant) du mal-logement en France. Jusque-là rien de très sexy. Au contraire, la thématique est plutôt de celles qui font fuir. Pourquoi ? Parce que la majorité d'entre nous pense déjà tout savoir du sujet. Effectivement, ça fait plus de trente ans que le mal-logement touche des milliers de personnes, et que de temps à autres, l'un ou l'autre média s'en fait l'écho, au détour d'une action au bord du Canal Saint Martin avec des tentes Quechua ou d'un drame dû au froid dans le bois de Vincennes. Et après ? Une fois passé le sensationnalisme qui est légion aujourd'hui dans les médias, tout le monde s'en fout.

Voici l'un des teasers du webdocu :



Bien que j'aie hésité à me rendre à la projection, ce webdocu m'a interpellé, au point de décider de vous en parler ici. Au total, ce sont quinze petites pastilles qui relatent chacune le quotidien de femmes d'hommes et d'enfants qui vivent dans des conditions particulièrement précaires. Sans voyeurisme et sans verser dans un pathos qui serait malvenu, le webdocu nous permet de nous rendre compte de ce qu'est véritablement le quotidien de centaines de milliers de personnes. Les réalisateurs Samuel Bollendorf (considéré comme le père du webdocumentaire) et Mehdi Ahoudig ont mené cette enquête pour la Fondation Abbé Pierre en assurant un travail journalistique sobre, dénué d'a priori, respectueux de ces femmes et de ces hommes et qui ont accepté de témoigner dans la dignité de leur souffrance quotidienne.


Pourquoi un webdocu ?

Parlons com, un peu, quand même. Le choix du webdocumentaire s'explique par plusieurs choses. Il s'agissait pour la fondation de marquer un coup, et de ne pas faire un énième documentaire qui se serait cantonné à une diffusion en seconde partie de soirée, pour au final n'être vu que par les mêmes personnes déjà sensibles aux questions touchant au mal-logement.

A la croisée du web et du documentaire, le webdocu revisite le photojournalisme en intégrant les outils multimédia : son, image, vidéo, texte... Par ailleurs, le pari du web permet plusieurs avantages. Le premier, c'est que le contenu est dispo partout, tout le temps, et donc pour plus de monde. Ensuite, chaque internaute a le choix de visionner les 45 minutes de film en enfilade comme ce fut le cas lors de l'avant-première, ou de consommer le contenu par portraits, en fonction de l'angle d'attaque qui l'intéresse (salubrité, marchands de sommeil, etc.). Surtout, chacune de ces pastilles web est partageable sur les réseaux sociaux. Chacun sera touché par une histoire plutôt qu'une autre et pourra ainsi la transmettre à son réseau.

A noter que le docu a été conçu spécifiquement pour le web, ce qui suppose une écriture, une narration et une navigabilité entre les contenus spécifique. Le résultat est vraiment bon, le site est simple et sert le propos : chaque internaute choisira ou non d'avoir un complément d'info à la suite de chaque "portrait".


Quelle finalité pour cette opération ?

Autant le dire franchement, visionner l'ensemble du webdocu en une fois est assez lourd pour le moral, d'autant que la scénarisation du docu va volontairement crescendo. Le reportage est juste, et traduit sans le moindre jugement la vérité de la précarité de ces français, qui sont plus de 3,6 millions à souffrir du mal-logement et des nombreuses souffrances qu'il engendre.

A la fin, je vois mal comment on peut y rester insensible. Tant mieux : le but de la fondation Abbé Pierre est bel et bien de susciter la colère et l'indignation. A la question de savoir ce qu'il faut faire à part regarder passivement les choses se dégrader, la campagne apporte deux réponses. La première est tangible : le site propose un onglet pour soumettre ses idées pour lutter contre le mal-logement, qui renvoie vers le site www.chantierlogement.com.

Le second levier sur lequel repose les espoirs des concepteurs de la campagne, c'est la mobilisation de tous, afin que les politiques s'emparent enfin de la question, et en fassent un thème de la présidentielle 2012.

En ce qui me concerne, l'opé m'a touché, et je tenais à vous en faire part. Si vous avez trois quarts d'heure à passer devant un écran, je vous encourage vivement à vous intéresser à ces tranches de vie de quelques uns de ces centaines de milliers de précaires du logement. Et même si vous n'avez pas le temps, faites-y un tour, regardez l'un ou l'autre des portraits qui vous intéresse. Et surtout parlez-en autour de vous...

Le webdoc est en ligne depuis le 11 mars sur 


Plus d’infos concernant la Fondation : www.fondation-abbe-pierre.fr
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