Décrypter les clichés de la pub pour mieux draguer un pubard...

Une fois n'est pas coutume, cet article s'adresse presque exclusivement aux femmes, et plus particulièrement à celles qui ne sont pas familières du milieu des agences... Le texte ci-dessous est un article du magazine Grazia (oui, mon boulot c'est aussi de lire tout et n'importe quoi !), qui décrypte certains clichés de la pub avec quelques accents du célèbre 99F de Frédéric Beigbeder...

Le trait est volontairement grossi, mais ça me fait toujours marrer de voir perdurer tous ces mythes qui entourent la pub et ceux qui la font... Ce qui fait que je ne peux m'empêcher de vous le livrer en l'état... Reste à vérifier l'efficacité de la méthode de drague : Mesdemoiselles, au boulot ! J'attends vos feedbacks !

Il rêve de gagner un lion à Cannes, ou au moins d'avoir son nom dans Stratégies et CBnews… Il travaille de 14h à 2h du mat… Il emploie des mots à fort potentiel érotique comme "retroplanning", "reco", "copy strat"… Mad men est sa série préférée… Il vend des abonnements de téléphonie mobile à des pays en voie de développement, mais il porte des T-shirts équitables en coton biologique… Cette semaine, on drague un publicitaire.


Hameçon 

En soirée, pour reconnaître un homme qui travaille dans une agence de pub, c'est très simple : il vous suffit de repérer celui qui porte des lunettes carrées et qui prend un air concentré pour parler de lui-même à quelqu'un d'autre. Approchez-vous frontalement, sans chercher de prétexte pour vous incruster (bonsoir, bonsoir, excusez-moi, mais les feuilletés tapenade cumin sont juste derrière vous), parce que plus vous aurez l'air à l'aise, plus vous l'intéresserez, au sens scientifique du terme (le pubard est un chercheur en sociabilité : il étudie les méthodes, les mimiques, les expressions qui permettent à un individu de s'intégrer dans un groupe et d'attirer l'attention sur lui).

Si, en arrivant, vous entendez…
-    "C'était transcendantal ce dèj avec Arthur",
-    ou "Le truc, tu vois, c'est d'être disruptif sans en avoir l'air",
-    ou "Dans le taxi, tout à l'heure, j'ai eu une idéeascensionnelle".
… il est possible que ces premières paroles vous induisent en erreur et que vous pensiez avoir plutôt affaire à un thésard en philo. C'est normal… Le pubard a emprunté son vocabulaire à deux courants idéalistes transcendantaux : celui d'Emmanuel Kant et celui de Jacques Séguéla*.

Traduction :

-    On a bu 3 bouteilles de Bordeaux à midi avec Arthur.
-    Je ne suis pas certain de comprendre moi-même ce que je raconte, mais mon interlocuteur hoche la tête donc ça doit bien avoir un sens. Véhiculer du sens malgré soi, c'est ça qui est vraiment esthétique...
-    Dans le taxi tout à l'heure, je suis sûr d'avoir eu une idée géniale… Mais l'effet de la coke s'est dissipé... Je crois que ça avait un rapport avec l'Amour… Ou alors avec la Liberté… C'était conceptuel, en tout cas.

Pour faire connaissance, vous pouvez commencer par une question simple :
-    Tu es chez Publicis/Saatchi/TBWA/Y&R/Havas (au choix) ?

Attention : Ne dîtes surtout pas "Tu travailles pour Havas ?". On netravaille pas dans la publicité : on est dans la pub. D'abord parce que le verbe "travailler" véhicule une notion d'effort, donc c'est négatif.
Le pubard n'utilise que des concepts positifs : pour dire "On s'en va", il dira "On bouge" (départ vs mouvement), pour dire "On est putain de mal organisé", il dira "On peut optimiser notre organisation", pour dire "C'est trop de la merde", il dira "C'est déceptif", etc. Ensuite parce que l'emploi du verbe "être" dans la phrase "Je suis dans la pub" suggère un genre d'essence qui a pour but de faire croire aux néophytes que le pubard existe vraiment, qu'il est un vrai être humain et pas une émanation maléfique du cerveau de Satan.


Cristallisation

Le paradoxe c'est que, ne travaillant pas, le pubard tient tout de même à ce qu'on sache que son activité est épuisante. Pour ce faire, il a à sa disposition une formule magique : "Je suis charrette". Ce n'est pas une position du kama sutra (vous confondez avec la brouette). C'est l'équivalent du :
-    "je suis sous l'eau" du commercial,
-    "je suis dans le jus" du serveur,
-    "je suis débordé" des autres gens.

De même, sachez avant de lui téléphoner le lendemain de votre rencontre, que le pubard ne peut pas vous parler et vous rappellera, parce qu'au moment où il décroche il est toujours "En plein… :
-    …brainstorming",
-    …brief créa", 
-    …benchmark", etc.

Et tout l'art de la drague, avec le pubard, va consister à faire semblant de savoir de quoi il parle. Pas de panique, on traduit :

-   Brainstormer = fumer une clope devant l'agence mais avec trois ou quatre collègues au moins et ne pas être d'accord sur la stratégie à adopter pour braquer un casino dans Grand Theft Auto

-    Briefer un créa = prendre un verre au café d'en face avec l'un des graphistes de l'agence et dire du mal du client dont on gère le compte

-    Benchmarker = comparer la profondeur des bonnets de Erika, Ariadna, Michaela et Daria, les nouvelles stagiaires ukrainiennes de "18" ans.


Conclusion

Une fois que vous maîtrisez à peu près son sociolecte, lancez-vous. Pas la peine de battre des cils, de murmurer des réparties poétiques à double sens, ou d'enrouler vos mèches de cheveux autour de votre auriculaire : il ne s'agit pas de le séduire, il faut vous vendre.

  1. Telle une planneur stratégique de la drague, définissez d'abord les attentes de votre cible. (On vous aide. Elles sont au nombre de trois :
    -    coïter,
    -    se droguer
    -    ou coïter drogué).
  2. Envisagez votre belle personne comme un produit.Soignez le packaging ; tout est dans le décolleté (Rappel : c'est Frédéric Beigbeder qui a écrit le slogan Wonderbra : "Regardez-moi dans les yeux, j'ai dit : les yeux")
  3. Elaborez un concept alléchant (ex : vous êtes un condensé de tout ce dont un pubard a besoin).
  4. Résumez le concept en une formule (également appelée "slogan" ou "baseline") (ex : "J'ai des exctas à la maison")
Je tiens à préciser qu'exceptionnellement, ce "Je drague un" n'est qu'un simple exercice. Vous pouvez draguer un pubard pour vous entraîner. Mais pas vraiment pour procréer. Il est hautement interdit de s'accoupler avec un mec qui croit sérieusement que les marques ont uneidentité. Oui, mesdemoiselles, le pubard parlera volontiers des valeurs de Danone et il comprendra même très bien que Procter and Gamble ait desaspirations. Mais si vous employez les mêmes mots dans une phrase mettant en scène des êtres vivants (par exemple : "la valeur d'un couple tient à la capacité de chacun à respecter l'identité de l'autre, pour réaliser des aspirations communes"), il tournera probablement en dérision vos paroles, en répondant : "Et on doit montrer une blonde pour ça ?").

* "Jacques Séguéla est-il un con ? De deux choses l’une : ou bien Jacques Séguéla est un con, et ça m’étonnerait tout de même un peu, ou bien Jacques Séguéla n’est pas un con, et ça m’étonnerait quand même beaucoup." - Pierre Desproges


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- Article "Je drague un pubard" du 2 septembre 2010, par Francesca Serra - Grazia.fr
- Illustration ci-dessus tirée de l'excellent blog "Quel vie de pub !"

2 posts:

Anonyme

Nous sommes au pays des lumières, ne l'oublions pas ...

Anonyme

Hé merci pour la citation ! :-)
www.quelleviedepub.com !

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