Quand le bad buzz de BP fait tache d'huile...

Personne n'a pu passer à côté de la catastrophe du moment : la plateforme de forage de BP a explosé dans le Golfe du Mexique le 20 avril dernier. Depuis, on assiste (en dehors de l'impuissance d'une multinationale a assumer ses responsabilités) à l'écriture jour après jour d'un cas d'école en matière de communication. Forcément, lorsque l'on s'appelle BP, Total, Areva ou Philip Morris, on a un capital sympathie beaucoup moins évident qu'Apple, Evian ou Nike. Les groupes agro-alimentaires, l'industrie pharmaceutique ou encore les boîtes qui n'ont aucune conscience éthique ou socio-responsable auront plus de mal que les autres à figurer dans le top 50 des marques les plus appréciées des consommateurs... Mais dans le cas des multinationales dans le domaine de l'énergie, les marques sont peut-être plus exposées encore, certainement en raison du facteur "risque" dont ces entreprises ont fait leur business. A l'heure de l'internet en temps réel, le scandale BP va sans doute souiller l'image du pétrolier britannique pour quelques temps...

L'impuissance d'un géant du pétrole

Si l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon nous fait oublier les rêves à la Dallas, elle nous permet d'observer la difficulté à laquelle chaque entreprise peut un jour faire face. Une telle catastrophe touche évidemment l'opinion publique, et l'info fait le tour du monde. Dès lors, impossible de contenir le bad buzz une fois que la mèche est allumée. Le direction a usé de toutes les ficelles de la communication de crise. Mais chaque jour qui passait voyait autant de nouvelles idées pour venir à bout de la fuite (souvent un peu farfellues) échouer, sous les yeux attentifs du monde.

Alors du coup, face à la vague grandissante de protestations sur le web, BP a d'abord acheté des pages de publicité entières dans les grands quotidiens américains (pour 50 millions de $), avec un slogan volontariste : «Nous en viendrons à bout». Début juin, le PDG de BP, Tony Hayward (c'est un anglais, d'où la non-ressemblance avec J.R. Ewing) prend la parole dans un spot d'une minute, et s'excuse au nom de son groupe, en rappelant tous les efforts consentis pour venir à bout de la marée noire :


Mais pour augmenter son audience sur le web, le groupe a décidé en début de semaine dernière, d'acheter sur les principaux moteurs de recherche les mots-clés en rapport avec la marée noire (en anglais les termes « marée noire », « marée noire du golfe du Mexique », etc.). Un seul objectif : canaliser au mieux les crispations, en renvoyant les internautes sur la site corporate du pétrolier, chaque lien étant accompagné du message « pour en savoir plus sur l’action de BP ». Une fois sur le site, le pétrolier déballe tout un arsenal à base de vidéos et d'infographies, destiné à mettre en avant les mesures prises sur le terrain. Officiellement, il s'agit de «Faciliter les recherches des gens qui veulent en savoir plus sur les efforts que nous entreprenons dans le golfe et les renvoyer plus facilement vers les liens qui ont trait aux dépôts de plainte, aux informations sur les plages souillées par le pétrole et aux appels aux volontaires», d'après le porte-parole de la compagnie, interrogé par la chaîne américaine ABC.

Le Figaro rapporte que BP débourserait chaque jour environ 10 000$ pour conserver le contrôle des précieux mots-clés. Il semblerait que le jeu en vaille le coup : même si la stratégie de la compagnie est vivement critiquée par les internautes, elle reste néanmoins efficace : quatre Américains sur cinq ne font pas la différence entre un lien normal et un lien sponsorisé, payé par un annonceur...

Greenpeace : après l'huile de palme, le pétrole

Greenpeace a récemment réussi un joli coup en pointant du doigt le géant Nestlé, dénoncé par l'ONG pour son utilisation intensive d'huile de palme, responsable de la déforestation des forêts tropicales indonésienne. Une vidéo, des centaines de milliers de vues sur Internet, et une grossière erreur de community management sur la page Facebook de Nestlé auront eu raison de la marque, contrainte de capituler en annonçant que le groupe cesserait d'utiliser des produits issus de la déforestation tropicale.

Forte de ce coup de com réussi, Greenpeace met cette fois les mains dans le cambouis (blague) et se charge de faire payer à BP le prix fort en terme d'image publique. Sur leur site, ils proposent à tous ceux qui veulent de détourner le logo du responsable désigné d'une des plus importantes marées noires que nous ayons connu. Il s'agit en fait de redessiner le logo BP pour qu'il « reflète mieux le vrai visage de la compagnie pétrolière ». L'association rappelle que BP avait adopté en 2000 un nouveau logo pour verdir son image... L'opération est largement relayée sur la toile, et contribue à développer l'appropriation de cette dénonciation par le plus grand nombre (accessoirement, en plus de voir votre logo utilisé de façon « innovante et confrontative » par Greenpeace UK, l'ONG propose de gagner un jour de formation sur un zodiac de Greenpeace, une journée de cours avec l’agence de design Airside ou l’un des 50 lots surprises Greenpeace)...


Le pouvoir des foules défoule

Pendant que Greenpeace continue de rôder ses propres techiques de (guerilla) marketing, et que BP s'englue dans les méandres de la communication (impossible) de crise, les pétitions se multiplient, et sur Facebook, le groupe "Boycott BP" rassemble près de 600 000 personnes (soit plus de deux fois le nombre de fans que compte la page Facebook de Dior...), et continue de rassembler de plus en plus de monde. En parallèle, Twitter voit un flot continu de tweets d'indignation ou de dénonciation envers la marque. Il suffit de faire un recherche avec la requête #BP sur Twitter pour s'en rendre compte, et voir que n'importe quelle info de nature à casser l'image du pétrolier peut faire le tour du web en quelques heures...

Parmi ces succès de la plateforme aux 140 caractères, l'une d'entre elles ironise, et détourne à nouveau la communication de la marque par le biais d'une fausse soit-disant ancienne pub de la marque dont le slogan était : "We're bringing oil to American shores" (l'image qui illustre ce billet), littéralement "Nous amenons le pétrole sur les côtes Américaines".

Enfin, pour finir sur une note moins dramatique, je vous propose une petite vidéo, qui explique ce qu'il se passe lorsqu'un employé de BP renverse son café en réunion... Enjoy :)


En savoir plus :

Les anti-BP sur Facebook
La chronologie de la catastrophe
L'article du Figaro sur la communication web de BP
100 secondes pour décrypter le retour de bâton de la comm de BP
- et pour être juste, la réponse de BP et l'exposition des moyens mis en oeuvre.

2 posts:

Nicolas [Z-Factory]

Encore un bon exemple de mauvaise gestion de l'image de marque : BP retouche ses photos avec Photoshop...

http://www.20minutes.fr/article/585815/Planete-BP-retouche-son-image.php

comdecrise

Bonjour,

Très bon article ! Merci

Je vous invite également à venir voir notre dossier :Le cas BP
qui rassemble de nombreuses interviews d’experts en communication de crise sur le sujet

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