Si vous avez eu cette semaine entre les mains l’un des grands titres de la presse quotidienne française, il y a fort à parier que vous avez croisé au détour de vos lectures, Marianne. Marianne qui ? LA Marianne, symbole de la République depuis son instauration en 1792, après la Révolution Française. Jusque-là tout va bien, d’autant qu’il s’agit d’une campagne institutionnelle, voulue par le Gouvernement.
Cette campagne, visant à promouvoir le Grand Emprunt lancé par Nicolas Sarkozy, déchaîne les passions depuis quelques jours. Arborant pour slogan : « La France investit dans son avenir », le visuel laisse apparaître Marianne sous un jour nouveau, puisqu’elle est toute de blanc vêtue, pieds nus, et surtout, enceinte jusqu’aux dents. Et c’est là que le bât blesse...
Si on regarde objectivement la pub en question, on peut penser (et c’est mon cas) que la métaphore est excellente. C’est vrai, pouvait-on trouver meilleure illustration de la foi en l’avenir que de représenter une femme enceinte ? Marianne fait partie de notre patrimoine, tous les Français la connaissent, et tous peuvent y voir un message résolument tourné vers l’avenir (même si dans cette pub, la Marianne fait limite un peu Schtroumpfette...). Il semble pourtant que la campagne ne plaise pas à tout le monde.
Si on regarde objectivement la pub en question, on peut penser (et c’est mon cas) que la métaphore est excellente. C’est vrai, pouvait-on trouver meilleure illustration de la foi en l’avenir que de représenter une femme enceinte ? Marianne fait partie de notre patrimoine, tous les Français la connaissent, et tous peuvent y voir un message résolument tourné vers l’avenir (même si dans cette pub, la Marianne fait limite un peu Schtroumpfette...). Il semble pourtant que la campagne ne plaise pas à tout le monde.
Marianne, c’est qui au juste ?
Selon Wikipédia, le prénom Marianne provient de la contraction de Marie et Anne, deux prénoms très répandus au XVIIIe siècle parmi la population féminine du Royaume de France. Deux prénoms également portés par plusieurs reines, dont Marie de Médicis, Anne d’Autriche, Marie-Antoinette. Son utilisation comme symbole de la République a été attribuée à une chanson révolutionnaire en occitan, la Garisou de Marianno (en français, la Guérison de Marianne), composée par le cordonnier-poète (!) Guillaume Lavabre, de Puylaurens. La chanson, racontant les avatars du nouveau régime, fut vraisemblablement écrite en octobre 1792, une dizaine de jours seulement après la fondation de la République. Il s’agit de la première occurrence du prénom Marianne en tant que symbole de la République. L’utilisation de ce prénom comme symbole serait donc né d’un consensus entre les partisans et les adversaires de la république, puis rapidement accepté par tout le peuple français (une version alternative avance néanmoins que le premier modèle de Marianne aurait été une jeune fille de Sigolsheim en Alsace, mais je ne m’attarderai pas la-dessus...).
Marianne, royaliste, anti-féministe et onéreuse
Le hic, c’est que traditionnellement, on a toujours représenté Marianne avec le bonnet phrygien rouge, mais pas cette fois, puisque la Marianne 2010 apparaît dans une tenue d'un immaculé blanc. Sur Mediapart, la blogueuse et historienne Marie Lavin rappelle que « le bonnet phrygien révolutionnaire était rouge et la tradition l'a ainsi perpétué, la Liberté de Delacroix en témoigne tout comme des séries innombrables de Marianne tant au XIXème qu'au XXème siècle. »
La blogosphère relève en parallèle, que le blanc évoque une couleur associée à la France monarchique depuis Louis XIII.
Et moi qui naïvement n’y voyait qu’un symbole de pureté plutôt en phase avec l’image d’une femme enceinte…
Évidemment, il y a un autre détail qui a su mettre en rogne beaucoup de monde, notamment parmi les rangs féministes. Mariette Darrigand, sémiologue, explique dans Le Monde que « Moitié Athéna, moitié Jeanne d'Arc, Marianne est une figure d'amazone vierge et protectrice de la cité. Elle n'est pas censée être mère ».
En bonne sage-femme de la communication, Thierry Saussez, directeur du Service d’Information du Gouvernement (SIG), affirme que la campagne est présentée comme « un très beau symbole d’avenir », ajoutant dans Le Monde, que « comme ce sont des investissements d'avenir, on a assez naturellement eu l'idée de prendre ce symbole de la maternité. »
Dans Le Parisien, Jean-Marc Huleux, vice-président d'Euro-RSCG C&O, qui a réalisé cette publicité, réfute toute signification politique : « C'est une allégorie publicitaire de la Marianne, qui fait le boulot de nous projeter dans l'avenir ». Pour Le Monde, il assure également « la future maman et son costume ont été choisis antérieurement au débat lancé par le ministre de l'immigration, Eric Besson. "Normale, ni trop belle ni trop laide", l'image de la jeune femme se voulait consensuelle. »
La communication, c'est cher, et c'est polémique. Non ?
La communication, c'est cher, et c'est polémique. Non ?
Pour couronner le tout, le PS attaque la campagne en y voyant un « scandale politique, démocratique et budgétaire », et allant jusqu’à réclamer l’annulation de la campagne… Celle-ci, relèvent-ils au passage, aura coûté près d’un million d’euros. Thierry Saussez confirme, nous précisant (sans nous mettre sous péridurale) sur France Info que « si la photo a coûté 15 000 euros, 975 000 euros ont été consacrés à l’achat des espaces publicitaires en presse quotidienne nationale et régionale, en presse hebdomadaire et sur le web.»
En somme, la polémique s’enflamme, certainement parce que le débat sur l’identité nationale n’est toujours pas retombé, que l’on s’approche des élections régionales, et surtout selon moi, que la question de la communication de l’exécutif a toujours fait débat. En effet, la limite est souvent mince entre la nécessaire communication envers la nation pour expliquer les projets étatiques, et la dérive propagandiste, forcément sujette à des accusations de partialité politique.
À ce propos, il paraît que Thierry Saussez répète souvent qu’« en période de crise, la communication gouvernementale est un service public »… Mais la Tribune relève que ce service public a été « sacrément musclé depuis son arrivée aux manettes.» Choisi par Nicolas Sarkozy, qu'il connaît depuis vingt-cinq ans, Thierry Saussez a demandé et obtenu des moyens considérables. Le SIG a vu son budget augmenter de 140 % en 2009, à 27, 9 millions d'euros. De quoi ravir les agences qui travaillent pour lui.
Bref, quand je pense qu'en 2003, c'est Evelyne Thomas que le Comité de la Marianne d'Or désignait comme la nouvelle Marianne, je persiste à confirmer que l'image d'une Marianne nouvelle, mère et femme, résolument tournée vers l'avenir me plaît quand même beaucoup mieux (au moins en attendant d'avoir une nouvelle égérie digne de Catherine Deneuve, Inès de la Fressange et Laetitia Casta...).
Crédits photos :
- "La France investit dans son avenir" vue dans la presse - AFP, Lionel Bonaventure
- Buste ancien de Marianne (anonyme), un des symbole de la république française exposé au Sénat Photo de F Lamiot (own Work) faite le 15 novembre 2006) (Creative commons, via Wikipedia)
- La Schtroumpfette, dessin de Payo.
2 posts:
Mais dis donc je vois qu'on joue dans la même cour !
J'allais te dire la même chose... ;-)
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